Août 26

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L’innovation numérique au-delà du bâtiment et du BIM

L’article d’aujourd’hui retrace l’interview que nous avons eue avec Patrick Morand, directeur Technologies de l’Information et Diffusion du Savoir au CSTB (Centre Technique et Scientifique du Bâtiment). Nous allons parler du rôle du CSTB, de la transition numérique, du BIM, de la réalité augmentée et d’impression 3D.

Apéro Chantier Innovation : Quel est le rôle du CSTB dans l’appui vers la transition numérique ?

« La transition numérique ne doit pas devenir une fracture numérique »

Le rôle du CSTB est double :

  • Il est dans l’appui apporté au Plan de Transition Numérique et dans son fonctionnement au quotidien.
  • Il est dans la participation au temps de réflexion et d’échanges de l’ensemble des organisations professionnelles pour faire ressortir les besoins et les attentes, mais aussi la façon de faire adopter cette transition numérique. En effet, un des écueils serait que cette transition numérique se transforme en fracture numérique et qu’un certain nombre des acteurs de la filière se sentent exclus de cette dynamique. Il faut que la maquette numérique profite à tous les acteurs, à tous les projets. On pense tout de suite aux grands projets, mais ce sont les petits projets qui font l’essentiel du marché. On pense à la construction neuve, mais il y a aussi la réhabilitation. On pense au temps de construction, mais il y a aussi le temps de maintenance et d’exploitation. Ce sont tous ces angles-là qu’il faut pouvoir irriguer de la même façon pour que ce soit une réussite et que tout le monde y adhère.

Comment participe le CSTB à la transition numérique ?

Une des essences mêmes du CSTB, c’est d’accompagner l’innovation en confiance. On est connu, je pense, pour tout ce qui est activité d’évaluation, les essais, les avis techniques, les certifications des matériaux, des produits, des systèmes, des ouvrages dans le domaine des technologies de l’information et de la communication. Dans ce champ d’innovation très large, il faut apporter de la confiance aux acteurs. Je vais faire des investissements en logiciels donc en matériels donc former mes collaborateurs. Est-ce que je fais les bons choix, est-ce que ces outils auront toutes les fonctionnalités/les ouvertures qu’ils prédisent ? Est-ce que cette norme internationale/ les IFC, est-ce qu’on peut lui faire confiance, lui mettre notre valeur, notre intelligence ? Il faut travailler sur ces éléments de confiance. On le fait au niveau national, international en participant aux travaux de normalisation de ce standard qui est sous-jacent à l’implémentation du BIM dans les outils. Alors, c’est la phase cachée que les professionnels n’ont pas forcément à connaître. Mais il faut pouvoir assurer l’ensemble de la filière que ces investissements s’inscrivent dans la durée et qu’on ne les regrettera pas.

Et à propos de la maquette numérique ?

La maquette numérique ne se réduit pas aux représentations 3D, c’est bien l’ensemble des informations qui sont utiles à l’ensemble des acteurs. Ces informations, il faut les nourrir et notamment les nourrir des données, des produits et des matériaux. Un bâtiment se fait avec des matériaux, des produits et des équipements. On a besoin de fluidifier les informations entre les industriels, les caractéristiques de leurs matériels et l’utilisation que l’on va en faire dans le contexte du BIM. Les dimensions géométriques pour les insérer dans le projet, mais aussi les caractéristiques intrinsèques à l’objet pour pouvoir alimenter des logiciels de calculs et de simulation qui vont pouvoir se nourrir de ses propriétés, de ses informations pour faire des calculs et participer à la conception du bâtiment.

« Un bâtiment n’est pas hors-sol »

Bim = bâtiment. Un bâtiment n’est pas hors sol. Il est dans un contexte de quartier, de ville et de territoire. La maquette numérique a aussi tout son intérêt, tout son potentiel à l’échelle du quartier, de la ville et des territoires sur les projets d’aménagement urbain. Il y a là aussi un champ d’innovation technologique et fonctionnelle important sur lequel le CSTB parmi d’autres, travaille aujourd’hui. Si un bâtiment est complexe, l’aménagement urbain, la gestion et l’exploitation d’une ville sont extrêmement complexes. Tous les outils qui vont permettent de partager les informations, de faciliter le travailler ensemble entre les différents acteurs/intervenants seront les bienvenus. Donc, la maquette numérique à l’échelle du bâtiment oui bien sûr, à l’échelle de la ville, certainement également. Les aménageurs sont aujourd’hui également intéressés à double titre pour voir avec les constructeurs qu’ils font travailler que les projets qu’ils commanditent utilisent la maquette numérique et l’utilisant eux ils en aient des bénéfices dans l’exploitation, la commercialisation, mais aussi par rapport aux problématiques d’aménagement des quartiers sur lesquels ils ont à intervenir.

On est donc dans un champ d’innovation qui est immense s’il faut augmenter à l’échelle de la ville ce que l’on fait à l’échelle des bâtiments ?

On trouve à l’échelle de la ville le pendant de ce que l’on trouve à l’échelle du bâtiment en termes de modélisation, de normes sous-jacentes de ces modèles. On va parler de city GML à l’échelle de la ville. Il y a des enjeux aujourd’hui à travailler sur l’interfaçage entre ces deux échelles. Comment un modèle IFC va pouvoir nourrir et s’intégrer dans un modèle city GML à l’échelle de la ville. Ça, c’est un enjeu. Du coup, on va pouvoir proposer des séances de travail utile à un maitre d’ouvrage, une collectivité pour comprendre le projet qu’elle achète, pour pouvoir le communiquer aux futurs utilisateurs, aux associations de riverains. Il y a là un champ important de travail et d’innovation.

Au-delà du BIM, j’imagine que le CSTB regarde de très près tous les sujets liés au numérique : les imprimantes 3D, la réalité augmentée, la mobilité, le cloud ?

On a de part de notre nature et de notre positionnement, des activités de recherches finalisées et de recherches opérationnelles au CSTB en réalité augmentée pour pouvoir travailler sur site en insérant le futur projet dans son environnement. Ce sont des choses qui commencent à exister.

Sur l’impression 3D, je crois qu’il faut effectivement être ouvert à ce type d’innovation. Il faut voir, explorer, se donner peut être du temps et du recul pour ne pas s’enthousiasmer trop vite. Ne fermer bien évidemment aucune porte.

Pour revenir à la maquette numérique, un champ d’application que nous regardons et qui peut à terme avoir de l’intérêt, c’est sur l’autocontrôle des projets ou regard de référentiel réglementaire ou ceux de système de certification. On peut voir comment avec la maquette numérique va pouvoir faciliter à tous les intervenants (le maitre d’ouvrage qui s’engage notamment dans une démarche de certification, des services de collectivités ou de l’état) le contrôle de projets pour fluidifier ces tâches de vérification, de conformité dans projet à un référentiel règlementaire ou de certification.

C’est-à-dire jusqu’à automatiser ces tâches de certification ?

« La maquette numérique pourrait servir à terme à automatiser les tâches de certification »

Tout ou partie. Si on regarde la règlementation, un domaine que le CSTB connait bien sur lequel on a essayé d’apporter de l’innovation numérique dès le début des années 1990. On peut prendre l’exemple de l’encyclopédie des règles techniques de la construction (2 mètres de linéaires de classeurs, plus de 70kg de papiers, 30 000 pages, pas loin 7000 documents). On a tout ramené ça sur un CD-Rom en utilisant des technologies comme SGML et de l’ingénierie linguistique. On est à la fin des années 1980, début des années 1990, c’est une vraie innovation numérique. Le pas suivant est que ces règles de l’art que l’on a sous forme numérique vont pouvoir s’articuler avec le modèle numérique du projet et aider le maître d’ouvrage ou les maitres d’œuvre dans l’assurance que le projet se fait bien dans le respect et dans les bonnes pratiques de ces règles. Il y a là un sujet qui doit pouvoir apporter des fonctionnalités intéressantes à l’ensemble de la filière.

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Propos recueillis par l’équipe Apéro Chantier, lors de la 14ème édition de l’évènement le 6 mai dernier.

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